El Professor

  • romainB
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La grande majorité des danseurs avec lesquels je partage un moment sont charmants et je les remercie pour le temps qu’ils passent avec moi, pour leur générosité, pour leurs conseils dont je suis toujours en demande, pour leur bienveillance ou leur humour (ou les deux),… Mais quelques-autres jettent une ombre sur le tableau. Lesquels ?

Ceux qui se prennent trop au sérieux, ceux qui ne sont pas aimables, ceux qui manquent d’humilité, ceux qui manquent de générosité et dansent pour eux sans se préoccuper de la danseuse qu’ils ont dans leurs bras, et par-dessus tout, les dictateurs en herbe qui veulent t’imposer leur façon de danser comme étant la seule valable et qui décident de te l’apprendre même contre ton gré. Et généralement les petits derniers sont un doux mélange de tous les précédents. Que du bonheur !

J’entends déjà certains dire « woaa l’autre, comme elle attaque, mais certaines filles sont comme ça aussi ». Oui sûrement, mais je ne danse pas avec elles, donc je ne peux pas en parler mais j’aurai sans doute la même chose à leur dire : « Eh les gars (meufs), il faut redescendre un peu là ! ».

J’avoue que je suis toujours surprise par la capacité qu’ont certains danseurs à se penser si doués et si talentueux qu’ils nous font l’extrême obligeance de nous donner un cours particulier qu’on n’a pourtant pas réclamé. Impossible pour ces Messieurs d’imaginer une seconde que si la danseuse ne fait pas ce qu’ils lui demandent c’est peut-être parce qu’ils ne sont pas si doués ou parce qu’elle n’aime pas du tout leur façon de guider.

En ce qui me concerne, j’ai envie de rappeler que lorsque je vais danser, j’y vais pour me détendre, m’amuser, prendre du plaisir, partager un moment agréable avec mes danseurs. Voilà mes objectifs… ni plus, ni moins. Si, en bonus, je peux prendre quelques conseils techniques, apprendre et progresser, c’est parfait. Mais je répète qu’il s’agit d’un bonus. Parce que si je souhaite vraiment apprendre des techniques et progresser, j’irai reprendre des cours ou faire des stages.

Mais l’essentiel à rappeler, je pense, est que pour pouvoir transmettre, il faut :

1. Avoir quelque chose à transmettre.

Ca peut sembler idiot de le rappeler mais c’est quand même la base et apparemment cela ne semble pas si évident pour certains.

Transmettre un style, un état d’esprit, une méthode, une technique, une pédagogie, des nouveaux mouvements, une musicalité…

Non, il ne suffit pas de se trouver carrément beau gosse en dansant en slip devant son miroir dans sa chambre. Non, il ne suffit pas non plus de faire rêver les minettes pendant 3h au bal du dimanche. Savoir danser c’est bien, mais nombreux sont ceux qui savent danser, et plutôt bien d’ailleurs.

Je ne vais pas parler du débat qui a agité les pages Facebook ces dernières semaines relativement à des « jeunes » taxis qui se lancent dans l’aventure de l’enseignement. S’ils remplissent tous les critères, laissez-les donc transmettre ce qu’ils ont à donner humblement et avec bienveillance.

Non je parle ici des danseurs prétentieux qui pensent pouvoir corriger les danseuses débutantes dont j’estime faire encore partie. Messieurs, demandez-vous ce que vous pouvez vraiment nous apporter. Si vous n’avez rien à transmettre, peut être devriez-vous seulement vous contenter de danser et éventuellement prodiguer humblement et gentiment quelques conseils aux danseuses qui en manifestent l’envie.

2. Quelqu’un à qui transmettre (donc qui le souhaite)

Encore un truc idiot à rappeler… mais vouloir transmettre à quelqu’un qui ne le souhaite pas, c’est vouloir imposer sa connaissance, son style, sa personne. On n’est plus dans la transmission là, on est dans la dictature.

Je n’hésite jamais à demander à un danseur dont je n’ai pas compris l’appel de m’expliquer, de me remontrer, de me refaire faire. Dernièrement, j’ai échangé avec un danseur sur la meilleure position de bras. Nous n’avions pas

le même point de vue et nos arguments se défendaient. Nous avons trouvé une position qui nous convenait à tous les deux et nous avons dansé des heures dans la joie et la bonne humeur. En revanche, pas question de continuer à danser avec celui qui va m’imposer une position inconfortable voire douloureuse parce que « c’est comme ça qu’il faut mettre tes bras, un point c’est tout ! ». Pardon mais c’est le bagne ou de la danse ?

3. Avoir la capacité de transmettre et notamment être capable d’adapter sa méthode

Enseigner c’est difficile. Pour certains, c’est inné. Pour d’autres, cela s’apprend.

Transmettre est interactif. Les personnes à qui l’on transmet étant toutes différentes, la méthode de transmission doit s’adapter. Alors, sauf à détenir le secret d’une méthode révolutionnaire de transmission universelle, il s’agira de comprendre qui est la personne en face et de trouver le langage qui convient le mieux.

Aboyer, insulter et faire les gros yeux est peut-être la méthode la plus adaptée pour motiver Musclor à faire des développés-couchés, mais certainement pas la bonne méthode pour faire comprendre à une danseuse de lever sa jambe plus haut.

4. Rester humble et bienveillant

Si vous avez déjà réuni les trois critères précédents, c’est merveilleux. Mais avoir quelque chose à transmettre, quelqu’un à qui le transmettre et la capacité à adapter la transmission ne sont rien si vous manquez d’humilité et de bienveillance.

Vous savez l’humilité, la reconnaissance de ses propres limites. Qui va généralement de pair avec la modestie.

Rester humble c’est se dire qu’on peut échouer à transmettre. Peu importe la raison. Si la danseuse ne fait pas ce que vous lui demandez, il se peut qu’elle ne soit pas très douée, mais il est également possible que vous ne soyez pas si doué que vous le pensez. Ou peut-être qu’ensemble ça ne fonctionne pas, tout simplement.

Quant à la bienveillance, ça me parait évident mais ça ne devait pas l’être pour mon « danseur-professeur » du week-end dernier qui m’a dit de me taire et de faire des efforts pour faire correctement ce qu’il me demandait pour nous/lui rendre la danse plus agréable… comment vous dire que je savais déjà que cette danse ne serait jamais agréable pour moi. Je me suis donc laissée secouer comme une poupée de chiffon pendant de longues minutes, subissant son regard désapprobateur à la moindre faute de pieds et les petites réflexions qui vont avec les gros yeux, tout ça en gardant le silence… Quel plaisir !

Je suis ouverte à tous les conseils que peuvent me donner mes danseurs. Mais quand je dis conseils, je fais référence à un échange agréable, une opinion donnée gentiment, une invitation à faire différemment, et non pas à des ordres aboyés ou autres réflexions mal aimables, parfois même rabaissantes, qui sont très pénibles et peuvent être démotivantes voire blessantes pour les jeunes filles un peu sensibles !

Pour ceux qui ne remplissent pas ces quatre critères, merci de laisser El Professor à la Casa de Papel. Aux autres, merci encore !

 

 

 

 

Lor BK

image /sortiraparis.com

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